Pour un ami qui va mourir
Les alouettes, oiseaux qui sont amis de la lumière et ont en horreur les ténèbres du crépuscule, à l‘heure du trépas du saint homme, comme c’était déjà le crépuscule de la nuit qui allait suivre, vinrent en grande multitude au-dessus du toit de la maison et, tournoyant longtemps avec une jubilation insolite, elles rendaient un témoignage aussi joyeux qu’évident à la gloire du saint qui avait eu coutume de les inviter à la louange divine.
Bonaventure, Légende majeure, 14,6
Alouettes,
Alouettes du matin,
vous avez été les premières
à vous réjouir du OUI de François
au lever du jour, à Saint-Damien !
Vous avez chanté à Claire des airs de liberté
Qu’elle a dansés sous les oliviers !
Et dans une fanfare angélique,
vous avez mis en musique
les premiers balbutiements de la naissance
de ces deux jeunes rameaux d’espérance.
Alouettes du matin,
toujours pressées à louer le Seigneur,
vous réveillez ceux qui de Dieu sont les chercheurs.
Vous étiez déjà haut dans le ciel
quand encore tout engourdi,
j’ai dit mon premier OUI.
Alouettes,
alouettes de midi,
vous sonnez l’angélus sur la plaine d’Ombrie
pour dire à tout homme,
dans sa joie et dans sa peine,
qu’il trouve en Jésus, un frère, un ami.
Alouettes de midi,
vous connaissez les fleurs et les rocailles
du chemin des hommes.
Vous avez été de fidèles compagnes
sur les chemins de François en campagne,
sur les chemins de plaine qui mènent
aux lépreux, au pape, au Sultan,
aux premiers frères,
sur les chemins de montagne qui mènent
au Seigneur,
aux Carceri ou à l’Averne.
Alouettes de midi,
quand je lève la tête,
vous me dites de regarder aussi la terre,
il y a encore tant de chemin à faire.
Et vous me faites redire,
et vous m’apprenez à chanter OUI.
Alouettes,
alouettes du soir,
vous êtes le carillon de la Portioncule.
Vous annoncez chaque jour le coucher du soleil,
avant de regagner la terre
et de vous taire.
Alouettes, chantez,
chantez encore je vous prie,
car j’ai peur de la nuit.
Vous louez le Seigneur du matin au soir !
Alouettes,
pourquoi ce silence du soir au matin ?
Vous vous êtes attardées
au bord d’un champ de blé
quand François s’est retourné une dernière fois
pour bénir Assise dans la lumière rouge du soir.
Alouettes,
tout le jour vous m’avez ravi,
dormez tranquilles maintenant,
alouettes de la nuit…
Ce soir,
comme la première fois,
je vais murmurer et chanter OUI.
Car déjà dans le ciel noir
et sur la terre sans bruit,
je vois le soleil nouveau qui luit
et un vol d’alouettes qui sur l’aurore écrit :
« LA VIE N ’EST PAS FINIE ! »
Marie Blawin